CETA, JEFTA, le point sur les traités de libre échange

L’Italie va dire « NON » au CETA, mais l’UE signe le JEFTA avec le Japon et booste les négociations avec la Nouvelle Zélande : une accélération qui fait fi de toute démocratie


La course folle des accords de libre-échange continue : Mercosur, Vietnam, Mexique, Australie, Nouvelle-Zélande, Chine… Les risques de ces traités sont bien connus. Ils menacent la protection des droits sociaux, des consommateurs, de l’environnement et touchent tous les domaines : l’agriculture, l’alimentation, la santé, les services publics, etc. De plus, ces accords sont complètement antidémocratiques car négociés dans la plus grande opacité, sans que les citoyens n’aient leur mot à dire et ils mettent les questions commerciales et économiques au-dessus des questions sociales et environnementales.
Le rouleau compresseur des accords bilatéraux continue à tout écraser sur son chemin, en dépit des promesses de Macron qui s’était engagé à plus de transparence, au respect du principe de précaution et à une meilleure protection des droits du citoyen et de l’environnement. En lieu et place d’une « Europe qui protège », on subit en fait un véritable recul démocratique.

Le JEFTA signé ce jour sera adopté par un simple vote du conseil de l’UE et du parlement européen sans consultation des parlements nationaux
En effet, les négociations de l’UE, avec le soutien des 28 Etats membres, ont trouvé une parade pour éviter de devoir soumettre le texte du JEFTA aux élus nationaux : ils ont retiré de l’accord la question des tribunaux d’arbitrage pour les investisseurs, question controversée et réputée de compétence nationale. De plus, il y a des accords entre le Japon et l’UE sur cette justice privée. Le Japon veut un système ISDS (type CETA) alors que l’UE prône le mécanisme d’arbitrage multilatéral du type ICS (en cours d’élaboration) qui s’appliquera pour les accords à venir et qui ne sera pas soumis à la ratification des Etats.
La signature de cet accord commercial avec le Japon a eu lieu ce jour, mardi 17 juillet, à Tokyo. Il s’agit du plus gros accord de commerce signé par l’UE. Il concerne 40 % des échanges mondiaux et compte pour 1/3 du PIB mondial. La politique commerciale suivie par la France et l’UE aggravera la crise environnementale; Encore un engagement renié par Macron et son gouvernement, qui ne respecte pas l’accord de Paris (COP 21).

36 députés français sur 577 donnent le feu vert à Bruxelles pour ouvrir les négociations commerciales avec la Nouvelle Zélande
Un débat public s’est déroulé à l’Assemblée Nationale le 5 juillet sur le mandat de négociations de la Commission Européenne avec la Nouvelle Zélande. Avec le lien suivant : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6359257_5b3e1469b566c.2eme-seance–partenariat-union-europeenne-et-nouvelle-zelande–protocole-contre-la-fabrication-et–5-juillet-2018?timecode=3888460 vous pourrez prendre connaissance des interventions de Clémentine Autain (FI), de Jean-Paul Lecoq (PCF), d’André Chassaigne (PCF), ainsi que de l’intervention critique de Marielle de Sarnez, présidente de la commission des Affaires Etrangères, qui a réclamé de vraies études indépendantes sur les impacts du CETA sur notre économie et notre quotidien, des débats et votes préliminaires sur les mandats de négociations de Bruxelles, la relance du multilatéralisme, etc….
Une mention spéciale « attristée » à Mr Christian Hutin (PS) qui, « avec beaucoup de regrets« , ne votera pas ce projet de loi autorisant les négociations UE-NZ.
Résultat du vote : 36 pour et 6 contre. Tous les députés LR et FN étaient absents à ce débat.

L’Italie rejette le CETA
Le 13 juillet, le gouvernement italien (Mouvement 5 Etoiles et Ligue du Nord) a confirmé le rejet du CETA : « Nous demanderons au parlement de ne pas ratifier ce traité et d’autres traités similaires au CETA« . Le ministre italien de l’agriculture justifie ainsi cette position : « Le CETA ne protège qu’une petite partie des AOP et des IGP italiennes« . Quant au vice Premier Ministre, Luigi di Maio : « Nous devons défendre l’Italie et l’économie italienne… et revendiquer un peu de souverainisme sain« .

Pour conclure, ces accords forcenés conclus sans débat démocratique fait le lit des populismes et des replis nationalistes. Les accords de commerce doivent favoriser l’intérêt général et non les intérêts particuliers des grandes multinationales.

Ni JEFTA, ni CETA, ni TAFTA, ni Mercosur, ni aucun autre traité qui présente les mêmes menaces. Même en été, ne rien oublier, ne rien lâcher.

Bonnes vacances
Pour le collectif Stop Ceta-Tafta de Quimper Cornouaille,
Henri Guillou


Mondialisation. L’UE et le Japon se gargarisent de leur traité de libre-échange

dans l’Humanité du Jeudi 19 Juillet, 2018

Cet accord menaçant de libéralisation tous les secteurs de services, ou presque, échappe au contrôle des Parlements nationaux.

L’image tombe à pic pour les dirigeants des institutions européennes et du Japon. Face à Donald Trump qui, dès son arrivée à la Maison-Blanche, a enterré le traité de libre-échange transpacifique (TPP) et qui utilise chaque occasion de préparer une guerre économique de grande ampleur, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, Donald Tusk, président du Conseil européen, et Shinzo Abe, premier ministre japonais, ont signé, mardi, un accord commercial entre l’Union européenne et le Japon, un traité de libre-échange, baptisé Jefta, d’une portée inédite : selon eux, il concernerait à terme 40 % du commerce planétaire et représenterait un tiers du PIB mondial.

Passé du Medef à Business Europe, Gattaz applaudit

L’occasion pour ces leaders d’opposer au capitalisme protectionniste défendu, avec des accents belliqueux, par le président américain une conception plus ouverte et néolibérale du monde. « La signature de cet accord de partenariat économique montre au monde la volonté politique inébranlable du Japon et de l’Union européenne de se faire les champions du libre-échange et de guider le monde dans cette direction alors que s’est répandu le protectionnisme », développe le premier ministre japonais. « Nous faisons front commun contre le protectionnisme », renchérit Donald Tusk. Des éléments de langage repris allègrement par Pierre Gattaz, devenu président du lobby patronal européen Business Europe, se pourléchant les babines devant la libéralisation des services et l’ouverture des marchés publics. « Cet accord constitue une étape décisive pour le commerce international dans ces temps où les échanges basés sur des règles communes sont menacés », pérore l’ex-patron des patrons français. Pour les syndicats japonais et européens, en revanche, « l’accord n’inclut pas de dispositions efficaces en matière d’application de la législation du travail ».

Ce type de traité de libre-échange, négocié dans l’opacité la plus complète depuis quelques années et signé sans grande mobilisation collective – à la différence, sur ce dernier point, de l’accord entre l’UE et le Canada (Ceta) – ne propose rien d’autre que d’accélérer la fuite en avant des libéralisations. Les Européens se gargarisent de doper leurs produits agricoles et leurs productions agroalimentaires qui, pour 85 %, pourront être exportés vers le Japon sans droits de douane, au terme d’une phase transitoire. Les Japonais, eux, se félicitent de voir leurs automobiles libres arriver dans l’Union européenne sans barrière tarifaire. Mais l’accord, comme le Ceta et tous les nouveaux accords de libre-échange, va bien plus loin, fixant une liste fermée des quelques secteurs encore protégés de toute libéralisation et laissant donc tous les autres soumis potentiellement à une concurrence sans limites. Selon les ONG, le Jefta est également « climaticide » : les seuls chapitres non contraignants sont ceux qui portent sur le développement durable. À ce stade, la protection des investissements, avec ses fameux tribunaux d’arbitrage privés pour régler les conflits entre des multinationales et des États, a été laissée de côté par l’UE et le Japon, qui continuent de discuter sur le sujet. Ce qui, au passage, permet aux institutions européennes d’éviter, à la différence du Ceta – aujourd’hui menacé, après la Wallonie, par le revirement de l’Italie qui pourrait ne pas le valider finalement –, la procédure démocratique de ratification par tous les Parlements nationaux de l’UE. « Le gouvernement s’était engagé à une plus grande transparence des négociations commerciales et à associer les parlementaires nationaux en amont, dénonce la Fondation pour la nature et l’homme (ex-Fondation Hulot). Mais la France a validé le fait que les Parlements nationaux n’ont pas leur mot à dire, empêchant tout débat sur le sujet. »

Thomas Lemahieu

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