Deux ONG ont étudié les impacts de cinq accords commerciaux en cours de négociation

CETA : LA WALLONIE REND LES ARMES
Mauvaise nouvelle pour nous, bonne nouvelle pour les promoteurs du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (Ceta) : alors que de nombreux États doivent le ratifier ­ seuls 8 l’ont fait à ce stade ­, la Wallonie, la région belge qui a, en 2016, résisté longtemps avant la signature officielle, ne risque plus de s’y opposer. L’entité est désormais dirigée par une coalition de droite qui votera fin février son ralliement au Ceta.

Sacrifiés sur l’autel des accords de libre-échange

Deux ONG ont étudié les impacts de cinq accords commerciaux en cours de négociation. Leur conclusion est radicale : droits sociaux, protection des consommateurs et environnement seront les grands perdants.

« CES ACCORDS SONT LE CONTRAIRE D’UNE EUROPE QUI PROTÈGE. » KARINE JACQUEMART, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE FOODWATCH FRANCE

Malgré les promesses d’Emmanuel Macron en matière de politique commerciale, on est encore loin de « l’Europe qui protège ». C’est ce que révèle une étude publiée récemment par deux ONG : Foodwatch (spécialisée dans la défense des consommateurs) et Powershift (spécialisée dans les questions liées à l’énergie, au climat, au commerce et aux politiques économiques). Intitulé « Le commerce à tout prix ? », leur rapport se penche sur l’impact potentiel de cinq accords en cours de négociation entre l’Europe et le Japon, le Vietnam, l’Indonésie, le Mexique et le Mercosur. Celui-ci pointe notamment les menaces sur la protection des droits sociaux, des consommateurs, de l’environnement, ainsi que sur les processus démocratiques. Des risques similaires à ceux dénoncés pour l’accord avec le Canada (Ceta).

Ces accords de libre-échange, dits de «nouvelle génération», entre Union européenne et pays tiers vont au-delà des simples échanges commerciaux traditionnels, qui avaient pour but la réduction des barrières tarifaires. Il ne s’agit plus seulement de baisser les droits de douane, mais d’amoindrir toutes les entraves existantes au commerce, via la suppression des « obstacles non tarifaires». Il est envisagé, par exemple, de supprimer les règles empêchant l’importation de produits alimentaires contenant des ingrédients interdits en Europe.

« Pas de chapitre contraignant sur le développement durable »
D’après les deux ONG, l’accord avec le Mercosur entraînerait ainsi une augmentation importante de la production et des exportations de viande de boeuf, mais aussi de soja et de tourteaux de soja vers l’Union européenne. Ce qui conforterait ces pays dans la pratique d’une agriculture intensive, avec les conséquences que cela entraîne sur la déforestation, sans parler de l’utilisation massive d’herbicides. Avec le projet d’accord de libre-échange avec le Japon, pays qui utilise davantage de pesticides qu’en Europe, des produits alimentaires comprenant des résidus élevés de pesticides pourraient être importés dans l’Union européenne. Autre

exemple: l’Indonésie, qui espère augmenter ses exportations vers l’UE avec l’accord en cours de discussion. Ce qui pourrait aggraver l’impact de l’expansion des plantations de palmiers à huile sur la forêt, le climat et les droits sociaux (lire l’Humanité du 6 février 2018). « Cet accord ne comprend pas de chapitre contraignant sur le développement durable », précise Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch.

La crainte principale réside notamment dans un nivellement par le bas des normes européennes, qu’elles soient sanitaires, sociales ou environnementales, comme les restrictions sur les OGM ou le principe de précaution européen. La Commission européenne a beau assurer que le sacro-saint principe de précaution, étant protégé par le droit européen, ne peut être remis en question par les accords de libre-échange, les ONG ne sont pas du même avis. « Nous avons des précédents prouvant que ces formulations ne sont pas efficaces, rappelle Karine la militante. Au début des années 2000, l’UE a été attaquée à l’OMC quand elle a tenté d’introduire des restrictions liées à des sujets comme les pesticides ou les OGM au nom du principe de précaution. Et cela pourrait se reproduire. »

Qui plus est, cette série d’accords continue à être discutée sans aucun débat public, et « en toute opacité », les mandats de négociation n’étant pas rendus publics, indique l’étude. « Que ces accords, à l’image du Ceta, soient évolutifs, c’est-à-dire que les partenaires planifient de revenir sur certains sujets plus tard, fait planer de grosses inquiétudes. C’est une vraie boîte de Pandore», dénonce Karine Jacquemart.

Les ONG soulignent qu’elles ne sont pas opposées au commerce, mais estiment que celui-ci ne doit « pas se faire à n’importe quel prix ». « Nous ne sommes pas opposés aux accords de commerce, mais à condition qu’ils servent l’intérêt général et non pas les intérêts particuliers des multinationales. L’Union européenne doit réformer en profondeur sa politique commerciale, et la France doit en faire un objectif prioritaire », assène la directrice de Foodwatch. La logique serait donc d’interrompre les négociations en cours pour redéfinir la politique commerciale européenne.

ALEXANDRA CHAIGNON dans l’Humanité du 20 février 2018

La production d’huile de palme en Indonésie décime les forêts. Chris de Bode/Panos-Rea

 

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